Qui fut vraiment la mystérieuse dame de Giac ?
Les sources historiques n'accordent pas beaucoup d'attention aux femmes, surtout sur le plan politique. En fait, elles ne le font que lorsqu'elles ne peuvent faire autrement.
Or, plusieurs sources citent la dame de Giac auprès du duc de Bourgogne, comme une personne ayant une certaine influence sur lui, voire même un pouvoir certain...
La dame de Giac apparaît à plusieurs reprises, toujours lors des négociations entre le dauphin et le duc de Bourgogne. Elle semble avoir cherché à les réconcilier, et donc, par voie de conséquence, à clore la guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons, qui auraient alors pu s'allier contre l'anglais.
Elle semble avoir contribué à faire échouer la rencontre entre le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne (30 mai 1419) en introduisant Tanneguy Du Châtel et Jacques de Peschin auprès du duc Jean dans Peur.
De ce premier contact, découlera une première rencontre entre le duc et le dauphin (que nous n'avons pas eu la place de montrer dans notre bd), la rencontre de Pouilly (8 et 11 juillet 1419).
Là encore, la dame de Giac entre en scène, car au début ça se passe vraiment mal. Tout semble perdu lorsque, d'après le Religieux de Saint-Denis, la dame de Giac intervient « envoyée par la reine » .
Mais quelle reine ? Isabeau, comme on l'a souvent cru ? Ce serait logique si la dame de Giac a bien été une de ses dames d'honneur. Mais alors, on ne comprend pas l'intérêt de la reine, puisque Isabeau est entrain de négocier le mariage de sa fille avec le roi d'Angleterre. Elle ne semble pas jouer la carte française.
Yolande alors ? Pourquoi pas. Mais en fait on n'en sait rien.
En tout cas, l'action de la dame de Giac est efficace. Tout s'arrange, l'accord est scellé et on décide de se revoir à Montereau.
Pourtant, d'après Saint-Rémy, qui est un chroniqueur Bourguignon : elle « avoit esté partie traiteresse de ceste assemblée. » Il semble l'accuser d'avoir mené Jean sans Peur à sa perte, ce qui n'est pas faux, que ce soit volontaire ou non.
La rencontre de Montereau se révèle compliquée dès le début. La méfiance règne. Le duc repousse la rencontre plusieurs fois(notament le 26 août). Il tente de convaincre le dauphin de la déplacer à Dijon. Finalement il s'y rend à contre-coeur. Son astrologue, un « juif » du nom de Mousque, lui prédit un malheur. Jusqu'au bout, il résiste. C'est là que la dame de Giac intervient encore :
D'après Saint-Rémy
« Si estoit avec lui la dame de Giac, qui par avant, comme dit est, avoit esté plusieurs fois devers le daulphin durant le traictié cy-dessus dit, et moult induisoit le duc d'y aller, en lui admonestant qu'il ne fust point en doute de nulle trahison. Le duc de Bourgongne, comme il monstroit semblant, aimoit moult et croyoit de pluseurs choses icelle dame. »
Il y va donc et pour le résultat funèbre que l'on sait.
Par la suite, nous retrouvons Pierre de Giac, familier du duc de Bourgogne, l'un des fidèles qui l'acompagnaient sur le pont de Montereau, dans le camp du dauphin. (Charles et le duc Jean étaient accompagnés chacun de 10 fidèles).
C'est un homme sombre, mais nous aurons l'occasion de bien le connaître. Selon la légende, il avait vendu sa main droite au Diable.
Il a donc changé de camp. Avec la dame de Giac ? Il semble que oui.
Trahison de son maître ? Possible.
Il aura une influence grandissante sur Charles, mais l'histoire n'est pas finie...
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Qui est elle ?
Les historiens ont cherché à découvrir la dame de Giac. C'est difficile car nous n'avons pas d'autres indications sur elle, même pas son prénom.
Trois femmes, à l'époque, ont porté le titre de dame de Giac :
Jeanne de Peschin, dame de Bréon . En 1376 elle épouse Louis de Giac, chambellan du duc de Bourgogne. Pierre est leur fils. Cette dame, en 1419, devait avoir un minimum de 55 ans (en imaginant qu'elle se soit mariée à 12 ans ce qui est jeune, mais possible). Peut-elle avoir été celle que, d'après le chroniqueur Saint-Rémy, le duc de Bourgogne « aimoit moult » ? Cette expression est-elle suffisamment claire pour affirmer que le duc était son amant ? Ou faut-il comprendre qu'elle était juste sa conseillère ? J'ai personnellement beaucoup de difficulté à imaginer le duc, dont la forte personnalité est évidente tout au long de sa vie, chercher le conseil d'une douairière.
Jeanne de Naillac , épouse du fameux Pierre. Là encore, nous n'avons pas de date de naissance. Ce qui ne nous facilite pas la tâche. On la dit dame d'honneur de la reine Isabeau, mais sans certitude.
Catherine de l'Isle Bouchart, comtesse de Tonnerre , deuxième femme de Pierre. Mais cette dernière ne fut son épouse qu'en 1427, donc trop tard pour Montereau.
Notre choix va donc à Jeanne de Naillac.
Elle fut très probablement la maîtresse du duc de Bourgogne. En fait, pas un historien n'en doute (même si par étique, aucun ne l'affirmera).
Par contre, imaginer qu'elle fut aussi celle du roi d'Angleterre, et son espionne, n'appartient qu'à nous. Mais nous ne sommes pas historiens, seulement auteurs, ce qui nous donne une certaine liberté.
Est-ce plausible ?
Il est évident que le roi Henry avait et entretenait des espions dans toutes les cours importantes de son temps. A fortiori celle de Bourgogne et celle du jeune Charles.
Il n'était pas le seul et dans ce temps où les grands de ce monde ne jouissaient pas du moindre moment de solitude, espionner faisait partie du quotidien. Un domestique, une dame d'honneur, un conseiller... Les informations se croisaient.
Espionnage et contre-espionnage.
Qui furent ces espions ? Généralement le secret fut bien gardé et peu de noms nous apparaissent avec certitude.
Pourquoi la dame de Giac ?
Eh bien c'est quelqu'un qui fut visiblement habile dans toutes sortes de domaines. La manière dont elle apparaît dans les sources nous le prouve. Elle fut une femme d'exception.
Nous ne saurons jamais si notre intuition est vraie, si nous sommes tombés juste, mais c'est au moins possible.
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