(présentation en deux parties / traduction: Angelique Colté / per l’italiano, clicca qui)
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Au cours des années, j’ai développé une méthode de travail qui me permet de construire une page de la manière qui m’est la plus appropriée.
Elle s’appelle ” se compliquer la vie et vivre (mal)heureux.”
Mais venons-en aux pages 22 et 23 du cinquième volume.
Le scénario est particulièrement complexe.
On me demande une planche double, deux pages côte à côte,composant une scène unique ; une idée que j’ai quelques fois proposé dans les livres précédents et qui est le premier exemple de ‘comment se compliquer la vie tout seul ‘. De plus, un important dialogue équivalent à 16 vignettes, et impliquant un des protagonistes, sera inséré aux pages.
Première étape: Je réalise un story-board microscopique, avec une première idée rapide de la disposition des vignettes en rapport au texte, particulièrement sur la quantité de dialogue que chacune devra contenir. Une grande scène servira de fond à toutes les vignettes plus petites et occupera toute la partie centrale de la double page, à cheval sur la ligne de pliage.
Instruments utilisés: une mine 2H et une mine HB; un taille crayon et une gomme électrique, instrument que j’ai découvert récemment et que je trouve essentiel pour travailler avec précision lors de cette phase où le travail s’effectue sur de très petites dimensions.
Sur une simple feuille à lettre A4 et employant la mine 2H je commence par définir les masses principales: l’architecture, les personnages, l’emplacement et les dimensions des vignettes etc…
L’architecture est basée, plutôt librement, sur des indications du scénario, elle n’est pas inspirée de structures existantes. En d’autres termes elle est entièrement inventée et j’y insère des éléments architecturaux que j’ai appris à connaître durant mes travaux sur les autres tomes.
J’essaie de travailler sur les personnages d’une manière instinctive, représentant un simple squelette; je cherche alors la meilleure posture et très souvent je ne me retiens pas à définir vaguement les drapés. C’est durant cette phase même que j’ai le plus grand avantage à travailler à petite échelle: j’esquisse les éléments avec une plus grande rapidité, les corrections et les changements impliquant peu de temps en général j’ai plus de facilité à contrôler l’équilibre de la composition et des proportions anatomiques. Avec la même facilité je peux insérer plusieurs dizaines de personnages dans une seule scène, lesquels durant la phase d’encrage, à dimension normale, ne seront pas aussi rapides à réaliser! Voilà ce que j’entendais par ‘se compliquer la vie’.
Dans ce détail on note les verticales de construction et des lignes de fuite correspondant au sol, utiles pour représenter correctement les proportions des personnages.
Pour les gros plans je peux me limiter à décrire un ovale, la ligne des yeux et du nez, ou alors je décris davantage en gardant à l’esprit que j’aurai au moins deux étapes successives pour obtenir la meilleure définition possible. Très souvent on obtient un résultat plus ‘frais’ et convaincant dans le cas où il y a à peine un tracé de base, laissant aux phases successives l’ajout de tous les éléments nécessaires. Au contraire plus on s’acharne sur la recherche du résultat idéal, avec entre autre un instrument non adapté comme un crayon à mine trop dure, plus on s’ éloignera d’un bon dessin et de la paix intérieure.
Voilà terminée la phase exécutée à la mine 2H. Au bord de la feuille vous pouvez voir deux ou trois autres petites vignettes: ce sont des variantes qui pourront m’ être utiles lorsque je ferai le montage à l’ordinateur, afin de les substituer à celles qui ne m’ont pas entièrement convaincu lors du premier jet.
La mine HB en main, il est temps de repasser le dessin à la mine plus grasse.
Ceci, dans ma méthode de travail, est le seul vrai dessin au crayon et il est donc nécessaire que j’en sois satisfait à 80% si non 100 % vu qu’il ne reste que peu de phases successives pour sauver la situation avant le résultat final.
Si lors de l’étape précédente est testée la capacité à créer une scène et à gérer la figure dans cet espace, dans cette étape-ci on approfondit le travail sur le drapé, sur la plupart des détails historiques, sur les expressions et dans certains cas sur le clair-obscur.
Une photo donnant une idée de la taille du dessin.
Ne pas le faire en présence d’un ophtalmologiste.
Je ne suis pas convaincu de la gestualité liée à une réplique très importante du dialogue, le personnage qui la prononce en vient à avoir deux bras gauches plus un de secours en bord de page. Je déciderai par la suite lequel sera le plus adapté et enlèverai les autres.
Le gros plan sur l’œil me parait un peu triviale, par conséquent je mets de côté une tête de secours qui viendra remplacer. Ou peut-être pas…
Le plus gros du travail est terminé: le matériel pour continuer à travailler est prêt.
Dans un de mes dossiers j’ai une feuille ‘passe-partout’ que j’utilise pour la mise en page des dessins au crayon et avant toute chose je dois l’agrandir par deux afin d’y insérer la double page, que j’ai scannée à 600 dpi de résolution.
La première chose que je fais est de redimensionner l’image, pour qu’elle soit adaptée au format d’impression. Il me manque environ un centimètre de largeur qui m’est utile pour écarter légèrement les deux demi pages l’une de l’autre, en évitant que des éléments importants de la scène se retrouvent dans le pli.
Ensuite, en utilisant le caractère qui a été choisi pour la police de la série, je transfère au mieux le contenu de chaque bulle faisant un copié collé à partir du script. Il est très rare que le dessinateur s’occupe de cette phase d’insertion du texte de la bande dessinée, mais je préfère en avoir le contrôle afin d’obtenir le résultat que j’ai en tête.
Je regarde donc et évalue de la meilleure façon l’emplacement des bulles, de sorte qu’elles occupent l’espace de la manière la plus naturelle possible. Il arrive très souvent que j’ai prévu trop peu d’espace dans la vignette, mais je peux facilement y remédier par le dimensionnement du dessin ou alors en organisant le texte différemment.
Il m’arrive de ‘zoomer’ agrandissant un visage ou un personnage, ou bien de ‘forcer’ un élément architectural pour que l’effet soi du meilleur impact possible.
Enfin, je dois décider si je dois utiliser quelques ‘pièces de rechange’ dessinées à part, ou plus généralement retoucher tous les éléments qui ne m’ont pas satisfait.
Je fais le même travail pour la page de droite…
Lorsque je suis certain que tout est plus ou moins au bon endroit, j’ajoute sur un autre calque le tracé,en ligne fine, du contour des bulles. Successivement, m’aidant de lignes guides comme référence, je trace aussi les contours des vignettes.
Ceci n’est pas un ornement superflu : en faisant cela j’éviterai de construire les cadres un à un avec règle et équerre, ce que personnellement je n’aime pas faire et qui impliquerait beaucoup plus de temps.
Maintenant, la préparation à proprement dite de la planche est terminée: à partir du scénario je viens de définir la scène en détail, même en partant d’un dessin à échelle réduite.
Dans la deuxième moitié de cette présentation nous verrons la phase successive: l’encrage.
A bientôt,
Theo